TKD / JO de Rio : Mehdi Bensafi : « Je n’en voudrais jamais à Haby mais… »

Publié le : 27/09/2016 10:53:40
Catégories : Actualités , taekwondo

TKD / JO de Rio : Mehdi Bensafi : « Je n’en voudrais jamais à Haby mais… »

Un entraîneur ressent-il la même chose qu’un athlète ? Comment vit-il la victoire ou la défaite de son protégé ? Nous avons choisi l’exemple du head coach français, Mehdi Bensafi, qui vivait ses 1ers Jeux.

Il accompagnait la médaillée d’argent des -67 kg, Haby Niaré, qui, selon lui, perd le titre olympique pour n’avoir pas suivi ses consignes. Nous vous proposons de revivre les deux derniers combats de la championne à travers son regard…

Par Ludovic Mauchien à Rio de Janeiro

 

La France du Taekwondo n’a pas encore remporté de médaille d’or aux Jeux Olympiques. L’objectif était clairement affiché avant de débarquer à Rio. Les plus grands espoirs se portaient sur Haby Niaré, championne du monde en 2013 et n°1 mondiale à l’aune de ces Jeux.

La Française est sortie victorieuse de sa ½ finale en dominant sa bête noire, la Turque Nur Tatar, grâce à un coup de génie : un Nelyo Tchagui (coup de pied marteau) décoché du Golden score. Elle s’est ensuite inclinée au terme d’une finale folle (13-12) face à la championne du monde en titre des -73 kg, la Coréenne Oh Hyeri. Mehdi Bensafi s’est livré après chaque combat au jeu des questions-réponses. Un flashback instructif.

 

« Son approche en finale, c’était du 50-50 »

 

Haby Niaré vient de perdre la finale olympique. Comment vivez-vous cette défaite ?

Je me sens abattu. C’est une grosse déception dans le sens où on était venu chercher quelque chose que l’on n’a pas encore, cette médaille d’or olympique. Après les 2 premiers combats, elle a été capable de faire un reset complet. On a fait comme si c’était une nouvelle journée vu qu’il y avait 5h entre les deux combats.

Elle a su se remobiliser pour faire ce qu’elle sait faire de mieux : s’imposer en patronne. Sur ce point, en ½ finale, elle le fait très bien. Sur la finale, elle s’écarte deux fois de la stratégie. Deux erreurs qui coûtent deux fois trois points. Faites le calcul... Cela coûte une médaille d’or olympique (elle perd 13-12).

 

Etes-vous irrité ?

Je parle en tant que coach. On a posé un cadre. Il faut le respecter. Il faut bien entendu prendre des initiatives. Je ne suis pas quelqu’un qui est là pour brider les athlètes, pour leur ôter leur instinct, mais cela a coûté très cher.

Imaginez. Vous êtes à pleine vitesse. A partir du moment où vous sortez des rails, cela peut vite partir en cacahuète. C’est ce qui s’est clairement passé. Ce sont deux sorties de route.

Haby a joué un jeu. Au corps à corps, la Coréenne était très forte. Haby aussi. Et elle a d’ailleurs marqué des points (au 1er round grâce à un Fulyo Tchagui ou « Scorpion Kick », puis au 3e avec un Tit Tchagui, coup de pied retourné direct). Mais son approche, c’était du 50-50. Pour nous, entraîneurs, 50-50, c’est trop risqué. Il fallait qu’elle reste à distance et qu’elle travaille comme elle avait commencé à le faire.

 

« Notre job, proposer des solutions pour du 70-30 »

 

Lui en voulez-vous ?

Je n’en voudrais jamais à Haby car il faut prendre ses responsabilités et c’est ce qu’elle a fait, mais avec des conséquences qui coûtent une médaille d’or. Si je vous dis de sauter et que vous allez peut-être mourir, ou peut-être pas... Personne ne prend le risque. Nous, notre job, c’est de pouvoir proposer des solutions qui amènent plutôt à du 70-30.

 

Est-ce ce qui s’est produit en ½ finale ? Haby a-t-elle suivi à la lettre la tactique que vous lui aviez dictée ?

Oui. Tatar Nur était devenue sa bête noire. Avec Myriam (Baverel), on avait mis en place une nouvelle stratégie que l’on a testée au Championnats d’Europe. Elle n’était pas passée loin du succès (défaite au golden score). On l’a à nouveau testée à Rio, en mixant 2-3 trucs.

L’idée était de neutraliser la Turque sur ses points forts. C’est ce qu’Haby a fait. Par contre, on n’est pas loin du non match. Mais c’était le jeu. Après, il fallait une prise de risque maximale sur le 3e round ou la mort subite.

Après cette victoire, j’étais soulagé parce que, à un moment donné, on met tout de notre côté. On essaie de monter les maisons brique par brique. Et, à ce moment-là, on était en mesure de mettre le toit sur l’Olympe.

 

Partager ce contenu

PayPal