Taekwondo : Haby Niaré : « J’aime inventer des techniques »

Publié le : 22/07/2016 15:42:47
Catégories : Actualités , taekwondo

Taekwondo : Haby Niaré : « J’aime inventer des techniques »

« Habigator » a faim. Elle n’a plus dégusté d’or depuis 2013 et son titre mondial (-67 kg). Aux JO de Rio, c’est cependant elle que tous les athlètes rêvent de manger. Car Haby Niaré, 23 ans, est la n°1 mondiale et la favorite pour la médaille d’or.

Avec son Taekwondo imprévisible, spectaculaire et peu conventionnel, l’inventrice du « coup du scorpion » est capable de toutes les audaces. Pour mieux piquer la première…

Par Ludovic Mauchien

 

Haby Niaré est d’humeur dévoreuse à l’approche du tournoi olympique (17-20 août). Championne d’Europe à 16 ans en 2010 (2e en 2012), championne du monde 3 ans plus tard, en 2013, la Française se verrait bien achever ce nouveau cycle triennal par une 3e médaille d’or, la plus convoitée, la plus délicate à dompter, l’or olympique.

Considérée comme la favorite du tournoi, Haby Niaré, 23 ans le 26 juin, a conscience que le chemin n’est pas encore tracé. Elle sait où elle a pêché par le passé, notamment aux Mondiaux 2015 (battue 2-1 en ¼ de finale par la Turque Tatar) et aux Championnats d’Europe 2016 (3e, dominée 1-0 en ½ finale par… Tatar).

Elle sait où elle ne devra pas pêcher, pour balancer ses atouts et inverser les cartes défavorables qu’elle possède face à ses concurrentes directes : 2 victoires (fin 2015) pour 5 défaites face à Tatar, la n°4 mondiale ; 1 victoire (le dernier combat) pour 4 défaites contre la Suédoise Johansson, la n°2 mondiale ; 2 victoires pour 3 défaites face à la Russe Baryshnikova.

La logique théorique voudrait qu’Haby Niaré soit opposée en finale à la Taïwanaise Chia Chia Chuang, la championne du monde en titre, la n°3 mondiale, la plus dangereuse d’entre toutes. Elles se sont affrontées 3 fois. La Française mène 2 victoires à 1, dont celle en finale des championnats du monde 2013. Et si l’histoire se répétait à Rio…

 

« Je compte bien garder ma place de n°1 »

 

La n° 1 mondiale ne craint personne, sinon elle-même. Elle s’attèle de nouveau à la tâche, après s’être reposée un tantinet sur ses lauriers. Elle force sa nature pour combler les vides. Jamais en manque d’inspiration - n’a-t-elle pas inventé le « coup du scorpion » ? – notre surdouée aime les rendez-vous brûlants. Ses 1ers Jeux Olympiques s’annoncent chaud comme la braise. Pour briller de 1000 feux, Haby Niaré devra griller la politesse à ses adversaires dans la flamme olympique.

 

Comment vis-tu le fait d’être n°1 mondiale ?

C’est sûr que je suis en confiance mais, à côté de ça, je sais qu’on voudra ma tête aux Jeux. Je me prépare à tout ce qui pourrait se passer le jour J. Je compte bien garder ma place de n°1 et je me sens prête.

 

Depuis ton titre mondial en 2013, as-tu fait évoluer ton Taekwondo pour combattre différemment vu que l’on te regarde… différemment ?

Certains athlètes ont tendance à se reposer sur leurs lauriers. Cela a été mon cas. Après les Championnats du monde, on ne m’a plus trop vue sur les podiums internationaux. Justement peut-être parce que je voulais rester sur la même façon de faire qui m’avait permise d’obtenir ce titre. Je ne voulais pas travailler d’autres choses que je ne maîtrisais pas très bien.

En prenant de la maturité, je me suis rendue compte que le Taekwondo que j’avais en 2013 ne suffisait plus. Il fallait que je m’entraîne sur d’autres aspects, sur des choses que je ne parvenais pas à faire, que je n’aimais pas. C’est ce que je fais.

 

« Il restait 3 secondes... J’ai commis l’erreur… »

 

Par exemple ?

Je suis 100% gauchère et j’avais tendance à n’utiliser que la jambe gauche. Cela me réussissait pas mal depuis le début de ma carrière. Aujourd’hui, mes adversaires me connaissent forcément de mieux en mieux. Elles savent que mon arme de guerre, c’est ma jambe gauche. Certaines sont malignes et réussissent à me la bloquer. Il faut que je travaille ma jambe droite et que je sois complète. Le Jour J, j’aurais toutes les armes nécessaires pour être championne olympique.

 

Cette jambe droite t’a-t-elle déjà permis de gagner des combats ?

Pour l’instant, je n’ai pas eu trop l’occasion de tester cette nouvelle garde. J’ai commencé aux Championnats d’Europe. L’idée est de l’utiliser pour brouiller les pistes. J’ai envie de surprendre mes adversaires. Arriver à Rio avec une nouvelle arme me permettra de mettre un doute dans leur tête.

 

Quel est ton regard sur ta 3e place aux derniers Championnats d’Europe en avril ?

Ce n’était pas l’objectif de cette année mais c’est une compétition où c’est toujours bien de remporter une médaille et, encore mieux, d’être championne d’Europe. Cela amène une certaine assurance et un peu plus de confiance.

C’était bien d’y participer et de me confronter de nouveau à des athlètes qui seront présents aux Jeux vu que, dans ma caté, l’Europe est le continent le plus relevé. Je voulais voir.

En ½ finale, j’ai encore affronté la Turque Tatar. J’ai l’habitude ! (elle rit). Je restais sur 2 victoires face à elle mais, aux « Europe », elle me bat sur une petite erreur de ma part. Il restait 3 secondes et j’ai malheureusement tourné la tête pour voir le compteur. J’ai commis l’erreur de me prendre un point. Je sais que j’allais gagner le point en or mais voilà… On apprend de ses erreurs et celle-ci, je ne la reproduirais plus. Il y a toujours quelque chose à apprendre.

 

« Un combat contre moi-même le jour J »

 

Qui crains-tu le plus à Rio ? 

Personne, sinon moi-même. Quand je regarde la liste, j’ai rencontré et battu la plupart d’entre elles. En ayant progressé depuis et en ayant acquis de la maturité, il n’y pas de raison pour que cela ne passe pas à Rio.

Je ne crains aucune athlète. Il n’y a que moi qui me fasse peur. Ce sera un combat contre moi-même le jour J. Il faudra que j’enlève toutes les mauvaises pensées de ma tête ou, si je n’y parviens pas, que je fasse avec, que j’arrive à aller au bout, même en étant fatiguée, même en ayant mal.

 

Est-ce ce qui t’a manqué aux Mondiaux 2015, quand tu perds ton titre (défaite 2-1 en ¼ de finale contre Tatar) ?

En 2015, je n’étais psychologiquement pas dans le même état d’esprit qu’aux Mondiaux 2013. Je savais que je n’allais pas être championne du monde. Au fond de moi, je sentais que je n’étais pas prête à redevenir championne du monde.

J’ai eu l’impression d’avoir tout donné mais, avec du recul, je me suis rendue compte, qu’en fait, je n’étais pas prête. Cette défaite contre la Turque, encore et toujours la même (elle rit), m’a servie de leçon.

 

« J’aime tenter des trucs bizarres… »

 

C’est-à-dire ?

Aux Mondiaux 2015 et aux Championnats d’Europe 2016, j’ai appris des choses concrètes. Quand je regarde mes combats, je m’aperçois que j’ai commis de grosses erreurs que je ne suis pas censée faire. En même temps, cela me rassure de savoir où j’ai flanché. Plus je regarde mes combats, plus je sais ce qu’il faut travailler.

 

Tu as été championne d’Europe à 16 ans et championne du monde à 19 ans. Est-ce difficile de rester au top niveau quand on l’atteint aussi jeune ?

Ah oui, c’est dur de rester au top niveau ! Il faut continuer à travailler. Certains sont doués à la base et ils réussissent sans trop forcer. Pour ma part, j’ai peut-être des petites facilités mais il faut que je continue à travailler. Cela ne fait pas comme ça.

 

Avec quelle technique aimerais-tu remporter les Jeux ?

(Elle rit) Je ne sais pas…. Un truc spécial au visage, un coup de pied que personne n’aura jamais vu, que j’aurais inventé (elle rit). J’aime les coups « magiques ». J’aime tenter des trucs un peu bizarres… Je voudrais en sortir un aux Jeux, que tout le monde dise : « Ouaouh ! Qu’est-ce qu’elle nous a fait ! » (elle rit).

 

« On a parfois envie de péter un plomb… »

 

Qu’est-ce qui t’éclate en Taekwondo ?

Justement, j’aime inventer de nouvelles techniques, des coups au visage un peu bizarres. Ce qui me plaît aussi en Taekwondo, c’est le jeu. C’est un jeu ! Toucher en premier, esquiver, être la dernière à marquer, pour l’orgueil… (Elle rit).

 

A un bon mois des Jeux (l’interview a été réalisée le 6 juillet), comment te sens-tu ?

Fatiguée. C’est normal. On est en prépa olympique. Et on revient d’une semaine de stage à Cuba. Mais on ne lâche pas l’affaire. A plus d’un mois des Jeux, c’est la période où l’on s’entraîne beaucoup. En plus, on travaille ce que l’on n’aime pas faire. Psychologiquement, on a parfois envie de craquer, de péter un plomb. Mais, dans quelques mois, on se dira : « ah ouais, j’ai fait tout ça ! Et ça a payé ! ». Enfin, je l’espère. Je travaille pour.

 

Crédit photo : Denis Sekretev / FFTDA

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