Publié le :
26/07/2016 16:11:47
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Par Ludovic Mauchien
S’il y a une athlète qui ne risque pas d’être surprise par l’unicité et l’ampleur des Jeux Olympiques, c’est bien Gwladys Epangue. La Française a disputé ses 1ers Jeux en 2004, à l’âge de 21 ans. Plombée par la pression, elle perd au 1er tour contre l’Italienne Corsi.
En 2008, à Pékin, dans un temps où l’électronique n’était pas encore en service, elle s’incline en ½ finale face à la Coréenne Hwang Kyung-Seon. La Française ira ensuite chercher la médaille de bronze.
Dans la foulée, elle remporte deux titres de championne du monde, en 2009 (-67 kg) et en 2011 (-73 kg). Puis elle remporte le tournoi mondial de qualification pour les JO de Londres. Elle est alors invincible ! Cette fois-ci, la médaille d’or olympique ne peut pas lui échapper. Mais…
« Mon corps s’est vengé, parce que je l’ai torturé ». Début 2012, 8 mois avant les Jeux, la résurgence d’une tuberculose osseuse est diagnostiquée. Si Gwladys continue la pratique du sport, elle risque d’être handicapée à vie. Petit à petit, elle va se reconstruire, humainement et sportivement.
Même si elle recommence la compétition dès 2013, cela va prendre du temps. Elle gagne quelques Opens mais ce n’est plus (pas encore) la « Glad » des grands jours. Peu à peu, le miracle se produit. Une belle victoire de l’esprit sur le corps.
En mai 2015, Gwladys Epangue revient au top niveau et dispute sa 5e finale mondiale (+73 kg), où elle s’incline face à l’Anglaise Bianca Walkden. Un mois plus tard, elle remporte les 1ers Jeux Européens. En finale (+67 kg), elle dispose de la championne olympique en titre, la Serbe Mandic, leur unique affrontement à ce jour. La Française est de retour, mais il lui faut marquer des points pour pouvoir se qualifier pour les JO, car sa quasi-absence de résultats pendant 3 ans l’a handicape assez sérieusement.
Elle va s’acquitter de sa tâche proprement et se qualifie à l’occasion Grand-Prix Final de Guadalajara début décembre 2015. Mais, nouveau coup (très) dur, elle se blesse au genou. Rupture du ligament interne du genou gauche ! Les JO s’éloignent à nouveau…
A peine 5 mois après son opération, Gwladys Epangue reprend le chemin du Dojang. 8 mois après ce nouvel accident, elle va se battre pour gagner une 15e (!) médaille au niveau international, la seule qui lui manque, l’or olympique.
Une médaille d’or aux Jeux Olympiques, cela se mérite visiblement…
Aux Jeux, c’est toujours très difficile de gagner, surtout pour les favoris. Les non-favoris prennent une dimension énorme. Ils saisissent la chance et l’opportunité d’être aux JO. Ils croquent dedans à pleine dent.
De leur côté, les favoris sont plus soumis à la pression. On leur a fait comprendre qu’on les attendait. Du coup, ça peut inhiber. Et, a contrario, cela peut désinhiber et donner de la force et du courage à ceux que l’on n’attend pas. Ils n’ont pas de pression et profitent de l’expérience. Un favori va moins en profiter vu qu’il est attendu.
Penses-tu être la favorite du tournoi ?
Non, pas du tout. Il y a la championne du monde en titre (+73 kg), l’Anglaise Bianca Walkden (également championne d’Europe 2016), la championne olympique en titre, la Serbe Mandic (vice-championne d’Europe 2016 en -73 kg), la vainqueur du Grand-Prix final à Mexico, la Chinoise Shuyin Zheng (vice-championne du monde en 2015 en -73 kg). Je ne suis pas tout ça.
Tu es double championne du monde…
Pas en titre. Et cela fait longtemps. Ca remonte à 5 ans.
Penses-tu souvent à cette médaille d’or ?
Huuum, ouais, j’y pense assez souvent. Mais avant toute chose, je pense à ce que je dois faire. Je me répète la tâche que je dois accomplir et surtout comment je dois y parvenir. Je me répète surtout la mise en œuvre.
Où peut se faire la différence ?
Il va falloir être dans l’instant. On a tout préparé. On a tout prévu. Tout est planifié, tout est calé. Mais il faudra être dans le moment présent et saisir les opportunités qui nous seront données, ou alors en créer de belles. Tout se joue dans l’instant.
Comment tes précédentes expériences olympiques peuvent-elles t’être utiles à Rio ?
Tout simplement parce que je ne vais pas découvrir ce qui va se passer. Au contraire, je vais m’appuyer sur ce que je connais de l’organisation des Jeux pour en faire une force. Je connais tout le processus, le parcours, les sollicitations qui vont se multiplier, l’attente qu’il va aussi y avoir autour de nous. Cela me permet de partir un peu plus sereinement.
Qui crains-tu le plus à Rio ?
Il va falloir que je me méfie de tout le monde. Mais si je réussis à être à mon niveau, cela sera très compliqué pour les filles.
Tu es connue pour avoir un mental d’acier. En où est-il ce mental, après toutes les épreuves que tu as connues ?
C’est toujours ma force première, sinon comment expliquer que je sois revenue en 6 mois (elle a été opérée suite à une rupture du ligament interne du genou gauche en décembre 2015). J’ai 33 ans. Le physique n’est plus mon atout n°1. Mon mental m’a rarement fait défaut. Je me suis mise dans la tête que j’allais revenir pour Rio. Mon mental est mon outil n°1 dans la performance.
Malgré cette force, as-tu connu des moments de doute ?
Oui. Un… Quand les médecins vous disent que vous n’allez plus jamais faire de Taekwondo… Vous vous dites : « ah, bon ! C’est vrai ! » (en 2012, elle a été atteinte par une résurgence de tuberculose osseuse).
A part cet instant-là, je n’ai pas réellement connu de moments de doute. Mais cela n’a pas duré longtemps. Le médecin me l’a dit, j’ai digéré la phrase et, dans ma tête, je me suis dit : « c’est ce qu’on verra ».
Mon corps s’est vengé parce que je l’ai torturé. On manque de sommeil. On parcourt la planète sans prendre beaucoup de repos. On enchaîne les compétitions… A un moment donné, le corps dit stop.
As-tu changé ton Taekwondo ? Et en quoi ?
Mon Taekwondo a évolué parce que le système a évolué. Même si la base reste la même, il a fallu être capable de changer son jeu pour continuer à être performant. Cette évolution s’est faite indépendamment de mes soucis physiques.
Qu’est-ce qui t’éclate en Taekwondo ?
J’aime beaucoup deux choses. C’est d’abord l’aventure humaine que cela procure avec tous mes camarades de l’équipe de France : partir avec eux, faire des compèt’, avoir les mêmes objectifs et essayer de les réaliser. C’est une belle aventure humaine. On découvre des personnalités. Je ne suis pas forcément dans ce milieu pour me faire des amis mais, au final, cela peut arriver que l’on fasse des belles rencontres.
La 2e chose, c’est que j’aime gagner (elle rit). C’est bon, c’est beau, c’est sympa, et cela valide le travail effectué à l’entraînement. C’est toujours plaisant.
Quand as-tu repris l’entraînement ?
J’ai recommencé le Taekwondo début mai. J’avais déjà repris le travail physique après mon 2e séjour à Capbreton, en février. Ca fait plaisir de revenir sur les tapis, à l’entraînement, en compétition.
J’ai participé à mon 1er tournoi début juin, l’Open de Grèce. J’ai gagné (3 victoires). Je me sentais assez bien. La confiance était bonne. L’entraînement technique à l’INSEP était bon. Il ne manquait plus que faire des oppositions de qualité pour valider mon travail.
Tu as été gâtée avec la venue de l’équipe nationale coréenne à l’’Insep (6-10 juin)…
C’était vraiment bénéfique et positif. Elles sont fortes, techniques. Elles ont un bon sens du combat. En plus, les filles présentes ont qualifié leurs catégories pour les JO. Elles avaient un très bon niveau. J’ai affronté la championne du monde. Ce n’est pas n’importe quoi. C’était une opposition de qualité.
Et tu as enchaîné avec l’équipe de France le stage d’une semaine à Cuba fin juin ?
J’ai apprécié. C’était bien. C’était une bonne expérience. On est allé chercher une opposition de qualité avec des filles qui s’illustrent au niveau panaméricain et mondial, et qui ont déjà participé aux Jeux. C’était vraiment riche d’enseignements. En plus, ce sont des filles très, très combattives. C’était très bénéfique pour moi. Cela aide à se remettre dans le bain.
Credit photo : FFTDA