Publié le :
25/10/2016 10:44:35
Catégories :
Actualités
, Karate
Ce devait être ses derniers Mondiaux. Elle voulait privilégier son boulot. Mais elle a décidé de rempiler au Dojo. Elle n’aimerait pas manquer ses 1ers JO. Pourtant, à 27 ans, Alexandra Recchia aurait pu s’arrêter sans rien regretter. Elle a tout gagné !
Côté cour, elle vient d’obtenir son diplôme d’avocat après 10 années d’université. On lui proposait un emploi. Elle a refusé, pour le Karaté. Elle va continuer comme elle le fait depuis des années : mener deux carrières de haut niveau en parallèle. La championne d’Europe 2016 nous explique ses choix. Un véritable parcours du… combattant !
Par Ludovic Mauchien
Le 4 octobre 2016 restera à jamais une date gravée dans la mémoire d’Alexandra Recchia. Elle a officiellement obtenu le prestigieux CAPA, le certificat d’aptitude à la profession d’avocat !
Après 7 années de fac pour un Master 2 en droit, 18 mois d’Ecole de la Magistrature, une pléiade d’examens blancs, des stages réguliers dans des cabinets, une épreuve corsée, un oral de déontologie poussé, une plaidoirie appuyée, elle l’a eu !
Pour exercer il lui reste à prêter serment. Mais, pour l’heure, elle n’a pas le temps. Elle a un championnat du monde à préparer. Elle s’y attèle depuis juillet, entre révision et rapport de stage. Ce n’est pas une première. Depuis des années, elle gère. Elle a un emploi du temps aménagé.
Mais, quand même. Mener une double vie n’est pas chose aisée. Fatiguée, elle voulait s’arrêter. Elle avait annoncé que ces Mondiaux (26-30 octobre à Linz) seraient ses derniers. C’était sans compter sur les JO. Le Karaté sera représenté à Tokyo. Elle ne privilégiera pas le côté pro.
Par les temps qui courent, elle a osé refuser un poste à plein temps, déalé un mi-temps, pour avoir du temps. Depuis le 3 octobre, elle travaille dans un cabinet d’avocats parisien. Ça c’est pour le côté cour.
Côté cœur, Alexandra Recchia se prépare à reconquérir le titre de championne du monde (-50 kg). Un métier en soi, celui d’une athlète de haut niveau d’un sport désormais olympique. Et, qui plus est, elle n’est pas du genre à faire de la figuration… Maître Recchia est championne du monde individuel en 2012, 3e en 2014, championne du monde par équipe en 2010 et 2012, 2e en 2014, double championne d’Europe en 2013 et …2016.
Eh oui, c’est en championne d’Europe en titre que la Française se présente à ces Mondiaux. En Mai dernier, à Montpellier, elle dominait la championne du monde, la Turque Ozcelik, en finale. En marge de ses études, Alexandra Recchia a repris de l’amplitude. A Linz, elle compte à nouveau tutoyer la haute altitude. Pour atteindre le sommet, elle s’est donné les moyens. Et, cette année, elle n’a rien raté…
Comptes-tu toujours arrêter ta carrière sportive après ces Mondiaux ?
Non, je continue. J’avais déclaré cela avant que l’on ait eu connaissance de la décision sur l’entrée du Karaté aux Jeux Olympiques. Le fait que l’on y soit m’a fait réfléchir. J’en ai parlé à ma famille, mes amis, mon compagnon. J’ai mûri ma réflexion.
Je sais que si je ne me donne pas une chance d’essayer, je le regretterais. Ce n’est pas dans ma philosophie de buter devant les obstacles, de me dire que j’aurai 32 ans en 2020, que j’allais rentrer dans la vie professionnelle… Je n’ai pas pris le problème comme cela. Je me suis plutôt mis en position de préparer les JO. La question était alors : « comment vais-je faire pour les préparer dans les meilleures conditions ? » (elle rit).
Justement, comment vas-tu faire ? Tu as tout de même refusé un emploi pour continuer le haut niveau !
Il fallait que je trouve un cabinet qui me prenne à mi-temps. Cela me permet d’avoir mon équilibre travail et sport. Sans l’un ou l’autre, je ne suis pas bien, je ne suis pas complète.
Dans un premier temps, on avait besoin de moi très rapidement à plein temps. J’ai dû expliquer très clairement que j’avais les Championnats du monde, que je m’étais préparée tout l’été et que ce n’était pas pour renoncer à un mois et demi de l’échéance.
C’était le cabinet où j’effectuais mon stage. Au final, j’ai eu beaucoup d’échanges avec la personne concernée. On s’est entendu, on s’est arrangé. Ils m’ont embauché. C’est que mon travail doit en valoir la peine ! J’ai obtenu une offre de collaboration aménagée à mi-temps, 3 jours par semaine jusqu’aux Mondiaux, puis 3 jours et demi ou 4 jours en fonction du planning ensuite.
Comment réussis-tu à additionner le Karaté et tes études ou désormais, ton travail ?
C’est beaucoup d’organisation, des concessions, c’est plein de choses. Mes semaines sont programmées bien à l’avance, que ce soit mes entraînements ou le travail. Par contre, c’est un rythme infernal ! Je prends beaucoup de vitamines ! (elle rit).
Il va falloir faire des concessions dans un sens comme dans l’autre. Il y aura des périodes où l’activité professionnelle fera que si je n’ai pas fini mon travail urgent à la fin de la journée, je n’irai pas à l’entraînement. A un autre moment, je partirai plus tôt pour aller m’entraîner. On a trouvé un accord sur ce point avec mon patron.
Je pense que c’est faisable. Cela ne va pas être facile, cela va être fatiguant mais, en même temps, c’est comme cela que je mène ma vie depuis quelques années. Je ne me vois pas en changer. Pour l’instant, tout va dans le bon sens. Il n’y a pas de raison.
Les Jeux Olympiques, c’est si magique ?
4 ans, c’est long, mais je pense que j’ai encore beaucoup de points de progression. Je peux encore surprendre sur certaines choses. Je me dis : « pourquoi pas ? ».
Surtout que j’ai eu de beaux exemples à Rio cet été : Sarah Ourahmoune, 34 ans, mère de famille, entrepreneur, et vice-championne olympique…
Tout était réuni pour que je prenne cette décision là et que je me lance dans ce projet. Cela fait plusieurs années que l’on prétend à cette reconnaissance olympique. Se dire : « c’est bien, tu as été championne du monde, d’Europe, tu as tout gagné, tu as été n°1 mondiale… Mais tu n’as pas participé aux Jeux »... Non ! 32 ans, c’est le bon âge pour terminer sa carrière (elle rit). En plus sur des Jeux Olympiques !
A suivre : Episode 2, côté coeur
Née le 25 octobre 1988 à Lyon
Grade : 4e Dan
Catégorie : -50 kg
Club : Savigny-sur-Orge
Palmarès.
Championnats du monde. -50 kg : 1ère en 2012, 3e en 2014. Equipe : 1ère en 2010 et 2012, 2e en 2014.
Championnats d’Europe. -50 kg : 1ère en 2013 et 2016, 3e en 2012. Equipe : 2e en 2011 et 2013, 3e en 2016.
Jeux Européens. 1ère en 2015.
Jeux Mondiaux. 2e en 2013.