Publié le :
10/05/2016 10:34:09
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Actualités
, Karate
Par Ludovic Mauchien à Montpellier
L’art et la manière. N’en déplaise à quelques uns, plutôt rares et surtout Turcs, la France est devenue championne d’Europe de combat par équipe en offrant une superbe performance collective, couplant le suspense à l’intensité, la précision à la vivacité.
Dominés d’un tout petit point litigieux par la Turquie l’an passé en finale des Championnats d’Europe à Istanbul, les Français tenaient à leur revanche. Ludovic Cacheux a d’abord forgé son groupe sur ce (re)sentiment. Il a finalement formé un commando d’élite où solidarité et amitié ne sont pas de vains mots.
Il a mêlé expérience et insouciance, en associant deux générations. Les champions du monde 2012, Kenji Grillon (26 ans) et Logan Da Costa (23) sont les grands frères, les fers de lance qui doivent montrer l’exemple en ramenant obligatoirement un point (ce qu’ils ont fait).
Ensuite, place à la cavalerie : Les jumeaux Steven et Jessie Da Costa (19 ans), Corentin Séguy (20), Marvin Garin (23) et Lonni Boulesnane (28 ans, 1ère sélection en championnat international).
Le coach français voulait prendre des risques. Suivi par ses collègues et sa hiérarchie, il les a pris... Dans sa sélection d’abord, où il a privilégié la vitesse des poids « légers » à la puissance des poids lourds, comme le fait la Turquie. Dans ses choix du cinq de départ et du placement aussi. Exemple, en ½ finale, Ludovic Cacheux sort Logan Da Costa et placer Lonni Boulesnane en 3 et Jessie Da Costa en 5 ! Une compo osée, un match gagné (victoire 3-1). Pour une apothéose à venir : une victoire contre la Turquie en finale. Le coach raconte…
Que ressens-tu au plus profond de toi ?
Là, à chaud… (Il rigole)… Une espèce de satisfaction personnelle et collective énorme ! Et puis… En fait, je ne sais pas… Si, je sais : « Je suis très, très heureux ! ».
As-tu douté pendant cette finale ?
Ah ouais, j’ai douté ! Ce qui est assez rigolo… Au vu de la manière dont ils ont remporté leurs éliminatoires, je savais que l’on allait gagner. Je ne dis pas ça pour faire mon « branluchon » (pouvant être traduit par prétentieux)… Mais j’ai vraiment eu ce sentiment. Samedi soir, la veille, j’avais déjà mon 5 en tête et mon placement. J’étais serein.
Mais une fois que tu es sur la chaise, tout recommence à zéro. Tu remets tout à plat parce que cela passe par ci, cela passe par là…. Ils me font 2 coups d’éclat, puis ils prennent une canne, puis ça repart… Pfouhh…
Quel rôle penses-tu avoir joué ?
C’est notre projet collectif. C’est toute l’équipe de France. Mais, pour le coup, c’est peut-être un peu plus mon projet que les autres. Ces athlètes, je les ai voulus, je les ai sélectionnés. J’ai ce projet de jeunes entourés par des anciens, qui me suivent à 100%. Il y a tous les ingrédients nécessaires. J’y ai cru et voilà… Ils ont été énormes ! Et je suis heureux ! Et c’est super ! Mais ce n’est pas fini… Nous avons un gros objectif dans 6 mois (les Mondiaux). On va continuer.
Quelle logique a prévalu dans ton esprit pour définir l’ordre de passage ?
En fait, j’ai voulu m’adapter par rapport aux Turcs et à leur éventuel placement. Je pensais qu’ils allaient lancer, comme d’hab’, Erkan en 1 (le double champion du monde des lourds), Kaptan en 2 et Eltemur en 3. J’avais un doute entre Gunduz et Aktas : 4-5 ou 5-4. Au final, ils nous mettent Erkan en 3 et c’est Steven (Da Costa, -67 kg) qui tombent dessus (il sourit). Ma logique était d’avoir Kenji en 1 et Steven en 3, Logan en 4 ou en 5.
Que disais-tu à Steven pendant son combat ?
Au début, rien, je le laisse faire. Je lui dis juste de mettre du rythme et de jouer sur sa vitesse. Quand il reste 1 minute de combat, je lui dis de ne plus y aller, de ne pas prendre de risques. J’ai confiance. Derrière, j’ai 2 soldats (Logan Da Costa et Marvin Garin). Ils vont y aller. C’était ma logique au départ.
J’en avais aussi une autre. Dans mon esprit, j’ai 2 co-capitaines, Logan et Kenji (Grillon). Ils ont chacun un rôle important à jouer. Kenji, sur tout ce championnat, je l’ai mis en 1 et une fois en 2, en lui disant : « il me faut une victoire ». Il a gagné tous ses combats.
En finale, à un moment donné, j’ai un doute. Il lui reste 1 minute 30 de combat. J’ai l’impression qu’il n’a plus de jus, qu’il n’arrive plus à trouver les distances. Je m’inquiète ! Puis, après, il repart (Grillon gagne 6-3).
Mettre Jessie Da Costa en 2 dans une finale, c’était plutôt osé…
Oui, comme le mettre en 5 en ½ finale. J’aime être « couillu ». J’ai confiance. Je crois en eux. En ½ finale, je sors Logan pour mettre Jessie et aussi Lonni (Boulesnane). Je pense que si l’arbitrage est bon, on gagne 3-0 car la jambe de Lonni arrive en pleine tête du Néerlandais.
Le risque a payé…
A un moment donné, je pense que, nous Français, on n’est pas assez ambitieux. C’est une critique collective. On pense parfois qu’on est moins forts que les autres, qu’on ne peut pas réaliser l’exploit. Je crois et j’ai toujours cru l’inverse. C’est ça le plus important dans ce que je leur ai dit. C’est ma devise : « rien n’est impossible, rien n’est trop beau. A partir du moment où tu le veux vraiment, tu peux y arriver ». C’est une équipe et chacun apporte sa pierre à l’édifice.