Publié le :
25/10/2016 10:54:33
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Ils ont vécu ensemble toutes les campagnes de l’équipe de France depuis… 1999 ! Ils ont arrêté la compétition en même temps en 2006. Champions du monde par équipes en 2000 et en 2004, ils entraînent l’équipe de France Seniors depuis 2008.
Yann Baillon et Olivier Beaudry, 38 ans tous les deux, ce sont un peu les Schwarzy-De Vito du Karaté français. Ils ne se ressemblent pas forcément. Ils n’auraient pas dû réellement s’accorder. Ils sont incroyablement complémentaires. Leurs caractères, leurs relations, leurs visions… Ils se racontent.
Par Ludovic Mauchien
Ils se sont connus en Juniors. C’était au siècle dernier. Depuis, Yann Baillon n’a fait qu’une infidélité à Olivier Beaudry : participer à l’Euro et au Mondial Seniors en… 1998.
A partir de 1999, ils ne vont plus se quitter. Ils seront de toutes les campagnes de l’équipe de France. Ils vont être sacrés champions du monde par équipes ensemble, en 2000 et en 2004. Ils vont stopper leur carrière au même moment, à l’issue des Mondiaux 2006. Quelques mois auparavant, ils avaient pris les rênes des équipes de France Juniors et Espoirs.
En 2008, ils intègrent tous les deux le staff de l’équipe Seniors. 8 ans après, ils sont toujours fidèles aux postes. Du 20 au 26 octobre, en compagnie de Ludovic Cacheux, ils vont à nouveau mener les troupes au combat lors des Mondiaux de Linz.
En Autriche, il s’agira de leur 9e Championnats du monde côte à côte. Ils en ont disputé 4 en tant que combattant (de 2000 à 2006), 4 comme entraîneurs (de 2008 à 2014). Ils ont tout connu, des défaites certes, mais surtout des victoires. Ils étaient des acteurs prépondérants des deux apothéoses du Karaté français, Munich en 2000 (16 médailles dont 6 en or) et Bercy en 2012 (13 médailles dont 7 en or).
L’un est d’Orléans, le 2e d’Epinay-sur-Seine. L’un cognait les Maegeri et les Gyaku, le 2e était le docteur ès Uraken. Les deux ont été formés par leur père. Aujourd’hui, Yann Baillon et Olivier Beaudry sont les « grands frères » d’une jeune génération prometteuse.
Vieillit-il bien ?
Yann Baillon : Physiquement, pas trop… (il rit). Mais je trouve qu’il s’assagit. Il est un peu plus calme dans les périodes compliquées. Il avait vite tendance à monter en pression. Au début de notre carrière d’entraîneur, il montait vite dans les tours. Il est plus dans l’analyse désormais. Donc oui.
O.B. : Je dirais qu’il vieillit comme le lait et moi comme le bon vin (il rit). Il s’écaille un peu (il éclate de rire). Sérieusement, il vieillit bien. C’est marrant car cela commence à faire un paquet d’années que l’on se connaît. Petit à petit, certaines habitudes changent. On fait plus attention à ce que l’on mange (il rit).
Qu’appréciez-vous l’un chez l’autre ?
Y.B. : Je n’ai rien de positif à dire sur lui (rires)… Il pouvait ne pas être bon et n’avoir aucun doute. Il avait son objectif et, peu importe la manière, c’était la gagne, la gagne, la gagne. Il était très concentré. Tu savais que le mec en face n’avait pas intérêt à faire une erreur sinon il prenait direct.
Olivier Beaudry : Ouh là… (rires). J’admirais son côté guerrier. Il n’avait peur de rien. Il avait un corps de crevette et il frappait comme une brute. Je ne comprenais pas ! Sur le tapis, il avait cette capacité à n’avoir aucun doute. Comme entraîneur, je lui envie sa capacité, en période de crise, à garder une analyse et un calme qui lui permet de mettre les choses à plat.
A contrario, que changeriez-vous chez l’autre ?
Y.B. : Je lui donnerais un peu plus de souplesse (rires). C’est un gagneur dans l’âme. Tu ne peux pas jouer avec lui ! Il est capable de s’énerver quand il perd, même aux cartes. C’est appréciable car il est déterminé. En même temps, c’est parfois difficile à gérer.
O.B. : Il y a trop de trucs ! Je ne peux pas tout dire (rires). Il avait besoin de se mettre de la pression car il n’en avait pas assez ! Ca, j’ai eu beaucoup de mal à le comprendre. Mais s’il ne l’était pas, il passait à côté de son combat.
Comment fonctionnez-vous en tant qu’entraîneur ?
Y.B. : On se connaît vraiment bien. L’un comble les manques de l’autre et vice-versa. Tu n’es pas toujours performant dans ce que tu fais. Dans ce cas, l’autre te soutient ou prend les rênes et les responsabilités. Cela se fait de façon naturelle.
O.B. : On s’est entraidés quand on était athlète et on continue à élever le niveau de l’autre. Il y a aussi une forme de compétition sous-jacente. Parfois, je me dis : « Tiens, Yann explore de nouvelles choses. Il faut que je me bouge ». En fait, on est rarement d’accord mais on écoute les arguments de l’autre. A la fin, on arrive souvent à partager un avis.
En quoi votre carrière de combattant vous aide-t-elle ?
Y.B. : Cela m’aide au quotidien sur toutes les erreurs à ne pas commettre, les doutes qu’on peut avoir. Tu vois tout de suite quand un athlète a de la pression ou quand il est bien. Quand tu ne l’as pas été, c’est plus compliqué de palper cela.
Elle me sert aussi à bien gérer le repos, la récupération, les blessures. C’est hyper important. Je suis arrivé à un mondial (en 1998) en étant en phase descendante. Mon pic que forme était un mois plus tôt ! J’étais le meilleur en septembre. Et, aux Championnats du monde, une pâquerette ! Il n’y avait plus rien dans les jambes ! A trop vouloir, tu perds ton objectif.
O.B. : Je puise énormément de choses dans ma carrière d’athlète, des sensations, des émotions… En ayant eu une activité de haut niveau, on est plus à même de ressentir ce qu’un athlète peut ressentir au moment où il va monter sur le tapis, où il va rencontrer un adversaire fort, où il peut avoir quelques doutes s’il est mené… Cette expérience me sert au quotidien pour trouver des solutions, essayer de deviner ce qui peut se passer dans la tête d’un athlète, même si on est tous différents.
Votre pire prise de tête comme entraîneur ?
Y.B. : Je ne crois pas que l’on se soit pris la tête une seule fois en compétition. On se la prend souvent sur des choix, des stratégies, de la prépa. On n’est pas toujours d’accord. Mais une vraie prise de tête, je n’en ai pas le souvenir.
O.B. : Prise de tête… non. Mais une très grosse remise en question aux Mondiaux 2010. Le dernier soir, dans notre chambre, on est resté ¾ h – 1 h sans parler. Aucune médaille d’or pour les athlètes qui nous concernaient !
Quel message vous paraît-il prioritaire ?
Gagnez ! (il rit). Malheureusement, c’est ça. C’est la gagne, cette espèce de rage de vaincre, de ne pas accepter l’échec… C’est ce que je mets tout le temps en avant. Après, je me méfie beaucoup des compétitions de préparation. E je le dis aux athlètes. Elles ont peu d’importance. Ce qui est important, c’est de gagner les championnats officiels. Et on voit souvent aux Mondiaux des athlètes qui avaient tout gagné ne pas forcément performer.
O.B. : Ne pas se mettre de barrière. Pour se donner le maximum de chance d’aller au bout, il faut être à son maximum. Comme cela, on sait où on en est, on sait ce que l’on doit travailler. Et, surtout, partir d’une compétition sans regret, ne pas avoir à se dire : « si j’avais fait ci ou ça ». On a toujours des petits regrets mais c’est interdit d’avoir des regrets au niveau de l’engagement.
A suivre : Baillon-Beaudry, leurs souvenirs communs.
Bio express
Yann Baillon
Né le 29 mai 1978 à Orléans
38 ans
Equipe de France de 1998 à 2006.
Entraîneur national depuis 2006
Palmarès.
Ch. du monde. -80 kg : 1er en 2002 ; 2e en 2000 ; 3e en 2004. +80 kg : 3e en 2006. Equipe : 1er en 1998, 2000, 2004 ; 3e en 2002.
Ch. d’Europe. -80 kg : 1er en 2000 ; 3e en 1998, 2001. Equipe : 1er en 1999, 2000, 2001, 2002 ; 3e en 2005.
Olivier Beaudry
Né le 17 novembre 1977 à Epinay/Seine
38 ans
Equipe de France de 1999 à 2006.
Entraîneur national depuis 2006
Palmarès.
Ch. du monde. Equipe : 1er en 2000, 2004 ; 3e en 2002.
Ch. d’Europe. -75 kg : 1er en 2004, 2006 ; 3e en 2001. Equipe : 1er en 1999, 2000, 2001, 2002 ; 3e en 2005.