Judo / Kilian Le Blouch, et si c’était lui aux JO ?…

Publié le : 20/04/2016 08:30:24
Catégories : Actualités , judo

Judo / Kilian Le Blouch, et si c’était lui aux JO ?…

Kilian Le Blouch
« Korval, An Baul, Ebinuma… ni chaud, ni froid »

Et s’il créait la surprise ?... Et s’il représentait la France à Rio, coiffant sur le fil Loïc Korval ? Impensable il y a encore un an, cette hypothèse a pris de l’épaisseur ces derniers temps.

Kilian Le Blouch, 3e du Grand Slam de Paris en février, vient de griller la politesse à David Larose pour la 2e place en -66 kg aux Championnats d’Europe (21-24 avril). A Kazan, il jouera gros. Mais l’athlète-entraîneur de 26 ans est (enfin) en pleine confiance…

Par Ludovic Mauchien

6 février 2016, Paris, AccorHotel Arena. Kilian Le Blouch vient d’accrocher une magnifique 3e place au Grand Slam, seulement dominé en ½ finale par le triple champion du monde japonais, Masashi Ebinuma.

En zone mixte, face aux journalistes, il ne peut s’empêcher de verser une larme, la gorge nouée par l’émotion. « Cela fait longtemps que je bosse. Parfois, le haut niveau, c’est très dur… Cette médaille est un moteur pour moi, comme une revanche car je n’étais pas le meilleur. En Cadets, je me classais 5e aux départementaux. Aujourd’hui, il y a des mecs en tribune qui m’éclataient à l’époque. Je me suis accroché… ».

A 26 ans, l’ex n°5 des -66 kg n’a jamais autant brillé. Champion de France en 2012 et 2014, il s’est construit petit à petit, plus lentement que certains, tout en abnégation et en pugnacité, pour parvenir à 4 victoires en World Cup (Tunis 2 fois, Minsk, Glasgow), toutes acquises depuis 2015.

 

Il y a un joli coup à faire…

 

Cette médaille de bronze conquise à Bercy, alors que son partenaire de club et concurrent pour la sélection, Loïc Korval, chutait au 2e tour contre le Slovène Jereb, l’a conforté dans ses espoirs. Il y a un joli coup à faire…

Désormais n°2 français, ranké 27e mondial (au 7 avril), Kilian Le Blouch est conscient que son destin va se jouer aux Championnats d’Europe à Kazan (21-24 avril). Une contre-performance ou une défaite face à Loïc Korval mettrait un terme à ses rêves olympiques. Une médaille le propulserait certainement à Rio où il pourrait accompagner son ancien élève qu’il a contribué à former, Walide Khyar (voir leur histoire par ailleurs). Ce serait non seulement une belle récompense mais également une victoire de l’humilité et de l’abnégation. Kilian Le Blouch se découvre…

 

Où la différence peut-elle se faire avec Loïc Korval dans la course olympique ?

Elle peut se faire sur la forme du moment. Loïc a un plus gros palmarès que le mien. Si on statuait aujourd’hui, ce serait lui qui devrait faire les Jeux. Comme il n’y aura pas de championnat du monde d’ici là, je ne pourrai pas être médaillé mondial comme lui. Il reste les Championnats d’Europe. Il y a une ouverture…

Mais même si je suis champion d’Europe, il me manquera quelque chose : le palmarès. Je serai cependant l’homme en forme du moment. Qu’est-ce que l’on veut sur un championnat ? Un athlète qui est prêt à l’instant T, qui remporte une médaille. La différence se fera sur notre capacité à être fort sur les 2-3 prochains mois. Il s’agira d’une estimation. Les entraîneurs nationaux statueront sur celui qui sera le plus capable d’être sacré champion olympique.

 

« Je suis en phase d’acquisition finale »

 

A combien estimes-tu tes chances de participer aux Jeux ?

Loïc est un peu devant quand même. Il a moins la pression. Il est plus tranquille. Mes chances sont vraiment importantes parce qu’en ce moment, je me sens bien. Je pense avoir compris certaines choses depuis quelques mois, quelques petites années. Je me mets moins la pression. Je suis tellement bosseur que je m’enfermais parfois dans le travail. Je faisais des erreurs par rapport à cela. J’arrivais cramé aux compèt car je voulais trop en faire à l’entraînement.

 

Tu t’entraînes moins ?

J’ai gardé cette dynamique mais je suis capable de mieux écouter mon corps, d’être plus intelligent et plus sensible aux choses. L’expérience commence aussi à parler. Quand tu commences à battre un puis deux mecs forts, que tu accroches des champions du monde et des médaillés mondiaux, que tu les domines… Il m’a fallu cette construction pour me dire que je n’avais pas de limite. Contrairement à d’autres, comme Walide par exemple (Khyar, son élève pendant 8 ans) qui a ça en lui. Moi, il fallait que ça mature. Aujourd’hui, je suis en phase d’acquisition finale. Si je prends Korval, Magomedov, An Baul ou Ebinuma, cela ne me fait ni chaud, ni froid. Je sais qu’avec ce que je peux mettre en place, je suis capable de les battre.

 

« Soit cela t’enfonce, soit cela te fait avancer »

 

Loïc Korval est dans le même club que toi, le Flam 91. Est-ce facile à gérer ?

Quand Loïc est arrivé, Stéphane Gomis m’a dit : « j’ai 2 possibilités : je te laisse dans ton confort et je ne prends pas Korval ou je ne te laisse pas dans ton confort et soit cela t’enfonce, soit cela te fait avancer ». Je ne sais pas s’il y a une relation de cause à effet mais cela m’a peut-être fait effectivement avancer. Cela m’a poussé. Mais j’y serai peut-être aussi arrivé sans la présence de Loïc.

En tout cas, les entraîneurs ont un comportement que je trouve exemplaire. Ils servent nos projets respectifs. C’est une attitude très correcte. A son arrivée, ils auraient pu dire qu’il était le n°1 et moi le n°2. Cela n’est pas le cas. Ils ont une forme de respect, c’est important !

Au quotidien, on ne va pas se le cacher, Loïc est une personne très atypique. Il est très individualiste, c’est sa force. Il est très sûr de lui. Dans la vie du club, il n’est pas spécialement impliqué. Il n’est pas omniprésent. Mais il est derrière les gars quand il le faut. C’est aussi vrai que j’ai un double rôle au Flam 91. J’ai une place à part entière. Le contexte n’est pas gênant.

 

« On ne croit pas trop en toi »…

 

Ton parcours n’est pas réellement linéaire. Quand as-tu réellement commencé à croire en tes possibilités d’être athlète de très haut niveau ?

Ma 3e place aux Championnats d’Europe des -23 ans en 2011 a été importante. On était 10 Français. J’étais le seul à rentrer avec une médaille. Déjà, tu relativises le championnat manqué de la semaine d’avant. Tu te dis que tu n’es pas si nul ! Et cela te donne les crocs. Est-ce que tu ne peux pas aller plus haut ? On était en 2012…

Je n’étais pas du tout dans les clous pour les JO. 4 mecs étaient devant moi : Korval, Larose, Duprat, Dragin. Je n’arrivais presque pas à participer aux Opens ! Il n’y avait plus de place pour m’inscrire ! Je me suis alors fixé comme objectif d’être champion de France en 1ère division. On a rigolé… Je me suis entraîné dur. Finalement, j’ai gagné comme je l’avais annoncé ! En plus en mettant des pions et en battant David Larose en finale, le sélectionné olympique. Cela a apporté de l’eau à mon moulin et m’a permis de rêver plus loin.

 

Tu dois pourtant attendre 2 ans (2014), pour gagner à nouveau une compétition. Que s’est-il passé ?

Après les Jeux, j’ai fait 2e à la World Cup de Rome puis 3e à Varsovie, en dominant des mecs forts, avec Zantaraia sur la plus haute marche du podium. Une compet référence pour moi ! Mais je me suis pété l’épaule et j’ai dû être opéré.

J’ai serré les dents. Je me suis mis en tête de faire une médaille aux « 1ère div’ » (2013). Généralement, il faut 5 à 6 mois de convalescence. Je me suis entraîné 2-3 semaines et j’ai réussi à faire 2e. C’était poussif mais j’ai montré que, même dans des conditions très moyennes, j’étais capable de faire une médaille !

Je fais le tournoi de Paris. On m’a vraiment mis dos au mur. On m’a dit : « on ne croit pas trop en toi. A chaque fois que l’on te met, tu ne fais pas le taf. On te donne une chance, tu la loupes… ». Je me suis entraîné. Je fais à nouveau champion de France. Mais mon objectif était déjà tourné vers l’international, accrocher une sélection à un championnat d’Europe. J’ai enchaîné par 4 victoires en World Cup (Tunis, Minsk, Glasgow en 2015, Tunis en 2016).

 

« Paris : une émotion énorme… »

 

Comment expliques-tu qu’il t’a fallu attendre 2015 pour remporter ton 1er tournoi international ? 

J’ai surtout l’impression que c’était un problème de stabilisation. Quand j’ai atteint mon objectif, je ne passe pas à l’étape d’après. Je ne franchis pas le cap. Pour comparer, c’est comme les mecs qui visent les 11 secondes au 100 m et, une fois qu’ils y sont parvenus, ils font des perf très en-dessous.

C’est pour cela que cela a été compliqué à l’Open Allemagne (Düsseldorf, 20-21 février). J’ai été relancé direct, cela a été dur de me remettre dedans. Je perds au 3e tour contre un Géorgien que j’avais battu 3 fois…

Je venais de faire 3e au tournoi de Paris où j’avais eu des larmes de satisfaction. J’ai essayé de me projeter et de plus trop y penser mais cela reste en tête… Ce tournoi de Paris, c’est un objectif, un rêve.

 

A ce point ?

On ne s’en rend pas compte mais… On est là, devant je ne sais combien de personnes, un paquet de monde ! Quand ça applaudit, quand ça hurle, que tu prennes un Shido ou que tu en mettes un… !!! Je n’ai jamais ressenti ça, même en gagnant des grosses compèt.

Quand tu fais un championnat de France, tu as ton public. Ta famille, tes amis et ton club te soutiennent. Cela représente 100 personnes sur 1000. Mais, à Bercy, tu n’es pas le mec d’un club… Tu es un Français. Tout Bercy est derrière toi, c’est une émotion énorme.

En plus, il y avait aussi le côté « petite histoire » derrière. J’ai fait le tournoi de Paris avec deux de mes élèves que j’ai entraîné 7-8 ans, ma femme et Walide Khyar. Ce n’est pas la 1ère fois que je combats avec eux mais c’est un petit plus qui a ajouté de l’émotion. Et c’est une satisfaction. Je suis quelqu’un d’altruiste, j’aime bien donner, j’ai un état d’esprit un peu différent par rapport à certaines personnes qui font du haut niveau. Je pense à moi mais aussi aux autres, surtout aux gens auxquels je suis attaché. J’ai eu une double satisfaction à Bercy. J’ai eu l’impression d’avoir fait 2 médailles. C’est énorme !

 

« Je suis le n°1 bis. J’espère être le n°1 »

 

Après ta 3e place à Paris, tu as déclaré : « des mecs qui sont en tribune m’éclataient en cadets ». Que ressens-tu aujourd’hui ?

Je m’amuse à le dire mais, si l’on devait faire un classement des -66 kg quand j’étais junior, j’étais peut-être 50e ! (il rit). Cela arrive souvent que des mecs viennent m’en parler : « tu te souviens quand on se tirait la bourre ? Moi, j’ai arrêté le Judo. Je n’ai pas réussi les objectifs que tu as atteint ». Cela prouve que la volonté a une part très importante dans la réussite du sportif de haut niveau. On a beau le vouloir pour toi, il n’y a personne qui peut le faire à ta place.

A un moment donné, c’est toi qui fais les choses, qui se prend en main, qui a faim, qui a envie d’aller chercher les mecs qui sont devant, qui ne lâche rien. A l’heure actuelle, c’est rare de voir des mecs qui passent autant de cap que moi.

Très peu d’athlètes passés par l’Institut du Judo, qui étaient des 2e couteaux en Junior ou en Senior, ont remporté une médaille nationale. Même en 1ère div’, peu ont gagné un titre pour aller chercher l’international. Cela reste de l’exceptionnel. J’espère continuer ce petit chemin, me qualifier aux Jeux et faire une médaille à Rio. Je suis le n°1 bis derrière Loïc. J’espère être le n°1.

 

 

Kilian le Blouch

Né le 7 octobre 1989 à Clamart (92)

Club : Flam 91

Catégorie : -66 kg

Palmarès.

Champion de France en 2012 et 2014, 2e en 2013, 3e en 2010.

3e des Championnats d’Europe -23 ans en 2011

Vainqueur de 4 World Cup en 2015 et 2016

3e du Grand Slam de Paris en 2016

 

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