Judo en Mongolie / épisode 2 : Un Français à Oulan-Bator.

Publié le : 02/06/2016 10:30:26
Catégories : Actualités , judo

Judo en Mongolie / épisode 2 : Un Français à Oulan-Bator.

Ils nous viennent d’Oulan-Bator et des steppes chères à Gengis Khan. Ils empêchent le monde de tourner en rond. Ce sont les Mongols. 2 champions du monde, 3 athlètes n°1 mondial (15 mai 2016), 10 combattants dans un Top 20. Comment ce pays est-il parvenu à devenir une nation phare ?

Nous continuons notre voyage au cœur du Judo mongol avec Benoît Campargue, l’ancien responsable des équipes de France qui officie en Mongolie depuis 2013 comme conseiller technique. Qui mieux qu’un esprit occidental, réputé cartésien, pour nous décrypter leur âme orientale.

Par Ludovic Mauchien

Il se rend en Mongolie 2 semaines tous les trois mois depuis 2013. Il ne sait jamais trop quand. Mais il ne perd jamais son temps. Tout se fait au dernier moment. Mais tout se fait… Et bien même !

Un fonctionnement identique en France est impensable, irréalisable. Par contre, les Mongols savent prendre nos bons côtés, notre savoir-faire, nos talents. Ils ont développé un maillage du pays calqué sur celui pratiqué en France, ils ont construit un Centre National du Judo à l’instar de l’INJ, ils ont fait venir Benoît Campargue, l’ancien responsable des équipes de France et coach de Teddy Riner lors de son sacre olympique à Londres.

Le Français, à travers sa société Sport Management Système, intervient comme conseiller, pour la technique, pour la tactique, pour le physique. Il nous permet de plonger dans l’âme des champions mongols, dans le secret de fabrication de 3 n°1 mondiaux (Munkhbat, Dorjsuren et Ganbat), de deux champions du monde (Munkhbat et Ganbat) et d’un champion olympique (Naidangiin).

 

« Une atmosphère euphorisante »

 

Qu’est-ce qui vous a le plus frappé à votre arrivée en Mongolie ?

La première chose, c’est le niveau d’évolution du pays. Nous avons une vision très rétrograde alors, qu’en fait, les Mongols sont beaucoup mieux équipés que nous. Ils sont même parfois en avance en termes d’équipement ! Je ne pourrais pas me payer la voiture avec laquelle ils roulent ! (il rit).

Il y a également une atmosphère très particulière, qui doit être liée à l’altitude des montagnes, au soleil… Une atmosphère euphorisante, que je n’ai jamais retrouvée ailleurs. On s’y sent bien d’entrée, malgré la pollution. C’est vraiment très sympa de vivre à Oulan-Bator. Il y a quelque chose…

Me rendre en Mongolie est plus devenu une façon de me ressourcer qu’un travail. On n’est pas au far-West. Ils décident certes de tout au dernier moment mais je n’ai jamais rencontré de personnes stressées. C’est un peuple très sympa et qui mérite d’être connu.

 

« 800 marches ! C’est pas mal, non… »

 

Concernant plus précisément le Judo ?

J’ai été assez étonné par leur organisation, malgré tout. Ils ont construit un Centre d’entraînement National, comme l’INJ chez nous, réservé exclusivement au Judo pour les entraînements nationaux quotidiens. Enfin… En théorie, car le planning change quand même souvent au pied levé. Je suis justement venu pour leur apprendre à prévoir les choses. Ils ne sont pas forcément bien organisés. La planification de l’entraînement, cela n’existe pas pour eux. Il y a le grand patron. C’est le coach que l’on appelle le Senseï. Il décide au dernier moment suivant sa volonté. Mais cela ne dérange personne car personne ne prévoit rien à l’avance.

Les Mongols, c’est le peuple le plus cool du monde. Tout se fait toujours à la dernière minute (il rit). C’est vraiment « no stress » ! J’ai pu m’adapter à leur demande, sachant que j’ai un travail à faire, notamment sur un plan tactique et technique. Le 3e axe étant d’améliorer leur préparation physique

 

« Je les ai fait s’entraîner par moins 40 »

 

Vous êtes réputé pour être un jusqu’au-boutiste de la prépa physique. Vous avez dû leur sortir l’artillerie lourde à ces Mongols dociles et obéissants…

Ils ont les plus beaux escaliers du monde ! Il y en a un qui a 800 marches ! C’est pas mal, non… Comme je suis un féru d’escaliers, cela me convient très bien. C’est un exercice facile à mettre en place. A Oulan-Bator, on trouve de l’équipement partout et il est très intéressant pour les sports de combat… (il rit).

Je les ai fait s’entraîner en extérieur par moins 40, avec séries de pompes dans la neige puis 1 h de course en montagne. Ce sont des choses qui passent très bien chez eux. Chez nous, ce serait uniquement un « one shot », histoire de se faire plaisir et après, terminé !

Ils fonctionnent à l’ancienne, un peu comme dans les années 70-80. Tout est basé sur l’endurance, sur le mental est lié aux efforts endurants. Ils avaient des progrès à faire sur le qualitatif, la récupération et le travail spécifique Judo.

 

Comment expliquez-vous qu’ils obtiennent d’aussi bons résultats ? Quel est leur « secret » ?

Ils ne mettent pas de limite, ce ne sont pas des calculateurs. Je le sens dans l’entraînement. Il y a une réelle frontière entre le Senseï et l’athlète. A partir du moment où il parle, les autres foncent. Pas question de savoir si cela va être dur, s’ils vont y arriver ou pas !

Leur système est aussi très réactif. A partir du moment où une modification doit être effectuée, c’est effectif le jour qui suit. Chez nous, c’est un semi-remorque que l’on doit garer ou déplacer à chaque fois ! Là-bas, il y a un coach national, des athlètes, ça claque des doigts et ça avance ! Tous les athlètes sont au Pôle national. Ils ne s’entraînent que là-bas et ils ne se posent pas de question.

Ils ont progressé ces dernières années, c’est indéniable. Les Mongols se sont aussi plus ouverts sur l’international. Ils reçoivent des équipes russe, japonaise, coréenne, etc. Il y a de vrais échanges.

 

« On l’appelait le challenger de Riner »

 

Et sur le plan médical ?

L’aspect médical n’existe pas, ou très peu. J’ai amené notre kiné. On s’est retrouvé avec des situations assez… cocasses, de personnes qui s’entraînaient blessées. D’un côté, ce n’est pas bien, ils récupèrent moins bien. Ce n’est pas recommandé. Mais j’ai vu des choses qu’on appellerait des miracles chez nous !Certains s’entraînaient avec des fractures ! Ils s’alignent au championnat et remportent une médaille ! Des choses incroyables ! Avec des entorses, des croisés pétés… ! Ils ne se posent aucune question.

 

Quelles sont les véritables perles de cette équipe mongole selon vous ?

Le petit -60 kg, qui est encore Junior, Tsogtdaatar Tsendochir. Lui, il a vraiment la graine pour être champion du monde Senior après les Jeux. Pour l’instant, il est le n°3 de sa caté en Mongolie. Il est devancé par le champion du monde 2014, Boldbaatar Ganbat, et par le vice-champion du monde 2013, Amartuvshin Dashdavaa. Il va vite être n°1, peut-être pas en Mongolie, mais au niveau mondial. C’est vraiment la valeur montante, comme Sumiya Dorjsuren chez les filles, en -57 kg.

Dans son ensemble, l’équipe féminine est assez dense. Il y a la petite 48 kg, Uransetseg Munkhbat. Elle a encore quelques lacunes mais elle a été championne du monde en 2013, elle a déjà prouvé !

A un moment donné, j’aurais pensé au lourd, Duurenbayar Ulziibaya, champion du monde Junior en 2014 et 2e en 2013, pressenti pour être un bon international. On l’appelait le challenger de Teddy (Riner) en Mongolie (rires). Mais il s’est tourné vers La lutte et a arrêté le Judo.

 

Lire aussi :

Episode 1 : Les champions

 

Episode 3 : Lutte, Sambo, Sumo : leur influence

 

 

 

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