Christophe Pinna : « Place aux jeunes, non ! Place au meilleur »

Publié le : 10/08/2017 14:47:38
Catégories : Actualités , Karate

Christophe Pinna : « Place aux jeunes, non ! Place au meilleur »

Vouloir revenir au plus haut niveau à 48 ans, 17 ans après avoir disputé son dernier combat, peut ressembler à une gageure. Certes, le pari est osé, voire insensé. Et certains ne manquent pas de se montrer dubitatifs, et même critiques. Coup de pub d’un ego démesuré ? Ou courage d’aller au bout de ses idées et de sa passion ? Christophe Pinna répond…

Par Ludovic Mauchien

L’annonce du Karaté olympique, en août 2016, a fait surgir de vieux démons dans son esprit. Pour ne pas être empli d’éternels regrets, le Français s’est lancé un défi fou à 48 ans : participer aux Jeux Olympiques en 2020 à Tokyo (en +80 kg). Comment revenir physiquement et mentalement au haut niveau après 17 ans de retraite ? Un pari jugé trop insensé par beaucoup.

Christophe Pinna n’en a cure. Le quadruple champion du monde (1994, 96 et 98 en équipe, 2000 en toutes cat’), sextuple champion d’Europe (1995, 96, 97 en Open, 1993, 96, 97 en équipe) et double vainqueur de la Coupe du monde (1993, 97), pose le débat ailleurs…

Comment ressens-tu les avis de ceux qui pensent que ton comeback, « c’est n’importe quoi »… ?

C’est trop français de dire que « c’est n’importe quoi » ! C’est rigolo… Même à Rotterdam, où je fais un combat fantomatique, tout le monde est venu me voir. J’ai croisé des jeunes qui ne me connaissaient pas et, 5 minutes après, quand leur coach leur avait dit : « tiens, c’est Christophe Pinna, etc… », je faisais des photos avec eux, après un combat perdu. Ils n’ont même pas tenu compte de ma défaite ! Ils ont juste trouvé sympa l’idée de mettre le kimono et de revenir ! Pareil à Dubaï. Ca surprend. Tout le monde sait que cela n’est pas facile.

« J’ai un rêve et, tous les matins, je suis au boulot ! »

Qu’as-tu envie de répondre ?

Franchement, je n’ai vraiment rien à répondre ! Je ne m’attarde pas là-dessus. Je n’en ai rien à faire ! Comment dire… Dans l’absolu, tu n’as même pas le droit de dire cela ! Normalement, il n’y a pas de critique à avoir ! Tu as un gars qui a un rêve et le mec a le courage de réaliser son rêve. Il y a juste à dire : « putain, le gars, quand même !!! ». A la limite, la pire des critiques, c’est de dire : « il est fou ! Il rêve éveillé ! ». Mais dire que c’est n’importe quoi… Pour moi, c’est de l’ignorance. Je n’ai rien à leur dire.

Après, il y a d’autres détracteurs plus sournois qui disent : « il a été champion du monde, il a tout à perdre ! ». Mais justement, c’est la différence fondamentale entre eux et moi.

Qu’entends-tu par-là ?

Ils croient que je me la pète mais, la leçon d’humilité, c’est moi qui la donne. Pour ceux qui ont rêvé aux Jeux Olympiques, remettre le kimono est juste une question de courage et d’humilité. Je suis ce que je deviens, je ne suis pas ce que j’ai été. On est champion du monde un jour. Dès que tu descends du podium, tu recommences ta vie.

Il y aussi le « place aux jeunes ». J’ai entendu ça en France ! Non ! C’est place aux meilleurs ! Il n’y a pas de « place aux jeunes » ! Il y a place à celui qui rêve, à celui qui a le courage de le réaliser malgré toutes les difficultés. C’est ceux-là qu’il faut respecter.

Si je suis venu voler quelque chose à quelqu’un, ok ! Mais ce sera le meilleur qui ira aux Jeux Olympiques, c’est tout ! Ce n’est pas une histoire d’âge. Si, à 20 ans, ils n’arrivent pas à être meilleur que moi à 50, la question, c’est eux qui doivent se la poser, ce n’est pas moi ! Moi, je poursuis ma vie.

« Qui a le droit de dire que c’est n’importe quoi ? »

Tu sembles quand même remonté à l’écoute de ces critiques ?...

Pour moi, partir dans cette aventure, c’est comme si, demain, je décidais de prendre un bateau pour faire le tour du monde à la voile et qu’un mec me dit : « C’est n’importe quoi, tu es fou ! ». Mais qui a le droit de dire que c’est n’importe quoi ? Et pourquoi cela paraît être n’importe quoi ?

C’est pareil pour mon projet. Qui a le droit de dire que c’est n’importe quoi d’avoir envie d’une médaille olympique ? ! Personne ! Celui qui le dit se ridiculise lui-même. Au contraire !

Dans l’absolu, le Karaté est ma passion. Mon histoire, en tant que « jeune » karatéka, s’est arrêtée le 14 octobre 2000. Aujourd’hui, c’est une autre aventure qui n’est pas liée du tout. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que si le Karaté n’était pas devenu un sport olympique, vous ne m’auriez plus jamais vu. Je reviens pour réaliser un rêve. Je ne reviens pas pour le Karaté de compétition. J’ai eu ma dose. Je le fais uniquement pour une médaille olympique.

Reste à transformer le rêve en réalité…

Il y a des rêves que l’on fait dans sa chambre et qui reste dans la chambre. Il y a des rêves qui demandent beaucoup de courage, de persévérance, du travail. J’ai un rêve et, tous les matins, je suis au boulot !

Il faut avoir aussi le courage de tout reprendre à zéro. Ce n’est pas une évidence, c’est tout un parcours. A l’époque, j’avais du mal à trouver un adversaire qui pouvait me battre. Aujourd’hui, j’ai presque du mal à trouver un adversaire au monde que je pourrais battre. Mais cela ne me pose aucun problème. Chaque chose en son temps.

A suivre…

A lire aussi :

Episode 1 : Christophe Pinna : « Se faire mal pour savoir si… »

Episode 2 : Christophe Pinna : « Aujourd’hui, je suis un débutant »

Partager ce contenu

PayPal