« Le Cercle » des pionniers

Publié le : 17/01/2017 09:20:25
Catégories : Actualités , BJJ

« Le Cercle » des pionniers

Ils étaient 8 au siècle dernier. Ils sont aujourd’hui des milliers. Les pratiquants de JJB n’ont cessé de se développer depuis 20 années.

Tout a commencé au Cercle Tissier, où ces pionniers ont accueilli Rickson Gracie. C’était en 1995. Ils étaient largués. Ils se sont amarrés à la figure de proue du Jiu Jitsu brésilien. Le JJB français était lancé. Il n’a cessé de se développer. Histoire de ces glorieux aînés de nos martiales contrées…

Par Ludovic Mauchien

Septembre 1995. 1ère rentrée du JJB français. Ils sont une petite dizaine, venant de tous horizons, Judo et Lutte à foison. Quelques mois auparavant, ils ont assisté aux stages de Rickson Gracie dispensés au Cercle Tissier, à Vincennes (94). Ils ont découvert des subtilités qui les ont marqués, une technicité qui a aiguisé leur appétit.

Ils ont ainsi décidé de poursuivre la découverte de cet art nouveau, qui a révolutionné la planète combat lors des 1ers UFC en 1993 avec Mister Rickson. C’est dans ce même Cercle Tissier que le 1er cours de JJB voit le jour en France, sous la houlette de Guy Mialot et, surtout, Christian Derval, l’hôte des lieux, aujourd’hui décédé.

« Mon père avait découvert le JJB en regardant les 1ers UFC avec Christian Tissier (8e Dan d’Aïkido) », raconte aujourd’hui Aurélien Broussal-Derval, le fils de Christian. « Il connaissait le style Gracie. Il avait l’impression de voir quelque chose qu’il connaissait. Il me disait, comme tous les purs Judokas : « c’est du Judo ». Sauf qu’en voyant Rickson à l’œuvre sur le tapis, mon père a vu que c’était plus fin au niveau des positionnements, des postures, des finalisations évidemment, et surtout dans la façon de les amener. Il aimait beaucoup le sol. Il a réalisé qu’il y avait quelque chose de très important à côté duquel il était en train de passer. »

Une escouade d’intrépides au Brésil

L’histoire est lancée. Sous son impulsion, le groupe s’étoffe. Dès l’été suivant, une escouade d’intrépides décide de partir au Brésil pendant quelques semaines, histoire de… L’aventure, c’est l’aventure ! Les Français ont besoin de voir, de regarder, d’apprendre, de se confronter. Durant leur séjour, ils participent même aux 1ers championnats du monde à Rio. Ils reviennent encore plus motivés.

Septembre 1996. 2e rentrée du JJB français. Les pionniers sont regroupés, fin prêts. Christian Derval, Guy Mialot, Eric Lavigne, Thierry Rijvas, Patrick Bittan, Daniel Quoniam, Gilles Arsène, Thierry Richevasse, Gaël Coadic, Mathieu Nicourt, Aziz Cherigui, David Giorsetti, Jovan Zerjal, Alain Nagera, les pionniers des pionniers, vont arborer la bannière de la Rickson Gracie Academy.

Mais, en France, ils sont esseulés. Ils ont pourtant besoin d’assimiler les techniques, de structurer l’enseignement. En 1997, Christian Derval invite Elio Soneca, champion du monde en titre. Avec la fédération nouvellement créée, il organise les 1ers Championnats de France. Près de 200 personnes sont inscrites ! Les profils sont divers…

« Vu que c’était le démarrage, il n’y avait personne du JJB », se souvient Patrick Bittan, aujourd’hui plus haut gradé en Europe (4e Dan). « C’était des Judokas, des mecs du Pancrace, des Lutteurs qui nous broyaient la nuque et nous cassaient en mille, quelques Boxeurs aussi… C’était les débuts de l’UFC. Pour faire du JJB, il fallait aller au Cercle Tissier. On était une quarantaine. Chacun venait avec son bagage de sportif et c’était à celui qui réussissait à faire la clé, l’étranglement, la nouvelle technique que l’on venait d’apprendre ».

« On a été les 1ers à battre des Brésiliens »

En 1997, les Français se sont déjà aguerris. A l’été, l’équipe qui débarque au Brésil est plus affûtée. « On est parti à une quinzaine avec Guy Mialot », poursuit Patrick Bittan. « On logeait à la 1ère équipe Alliance, où il y avait Fabio Gurgel, Jacare, Ricardo and Leo Viera, Terere… On a passé 2 semaines avec eux. On s’entraînait 3 fois par jour, matin, midi et soir. A chaque Randori, c’était la guerre. On apprenait tout sur le tas : garde ouverte, demi-garde… C’est quoi ceci, c’est quoi cela ? C’était assez spartiate. On dormait sur le tatami. La douche était à l’eau froide… Et en plus d’apprendre un sport, on avait une échéance : combattre des Brésiliens au Brésil, au championnat du monde ! On a été 2 ou 3 à passer un tour, ce qui était un truc incroyable à l’époque. On a été les premiers à battre des Brésiliens. Ce séjour a été une très, très belle aventure humaine ! ».

En France, cela bouge très vite. Une vingtaine de clubs se créent autour du Cercle. Les championnats de France accueillent de plus en plus de monde, au profil toujours aussi varié. Entre les invitations à venir donner un stage en France (Paolo Caruso, Roberto Traven, Jacare, Romolo Barros, le bras droit de Rickson) et les séjours désormais annuels au Brésil, les Jiu Jitsukas français progressent à vitesse grand V. Une nouvelle génération pointe déjà son nez. Les frères Fernandez, Emmanuel et Frédéric, Laurence Cousin, David-Pierre Louis… Chacun y va de son séjour avec un champion ou expert brésilien. Mais, globalement, leur progression est ralentie par manque d’informations et de méthode.

« En 1998, aux Etats-Unis, chez Rickson Gracie »

« A l’époque, tout était verrouillé », reprend Patrick Bittan. « Il n’y avait pas Internet et les Brésiliens ne donnaient pas grand-chose. En 1998, j’ai décidé de partir aux Etats-Unis, chez Rickson Gracie ».

Au total, il va passer quelque 18 mois chez le maître. Entre cours et compétition, il fait son trou, annote et rédige beaucoup. « Dès que j’arrivais sur le tatami, les Brésiliens s’arrêtaient de s’entraîner. Ils se mettaient contre le mur et ils parlaient. Je n’étais pas Brésilien… Alors, tous les jours, je notais dans un cahier chaque technique vue à l’entraînement. J’écrivais même la sensation que j’éprouvais. Il fallait piocher les idées. Je devais ramener un programme technique. J’ai eu la chance de pouvoir écrire le planning pour toutes les ceintures ».

A son retour, il partage ses pages entières de notes et croquis avec Christian Derval et la fédération. Les Français disposent désormais d’un outil pour travailler et polir leur JJB, pour mieux appréhender leur art. Mais les temps se gâtent avec Rickson Gracie. Le JJB français devient orphelin de toute référence internationale. Pas pour longtemps…

« Behring, avec sa tête de Sean Connery…. »

Aurélien Broussal-Derval, qui fait évidemment partie de l’aventure (il est aujourd’hui 1er Dan de Judo et 3e degré de JJB) raconte : « C’est Patrick Bittan qui a présenté Flavio Behring à mon père. Ils ont bien accroché, avec une vision très martiale du truc. Mais Flavio était aussi l’un des rares Brésiliens ouverts à un programme technique à l’européenne, plus marquée par l’école du Judo. Quand il s’est pointé avec sa tête de Sean Connery au Cercle pour son 1er stage, j’ai détesté ce qu’il proposait ! Ce n’était pas du tout mon Jiu Jitsu, ce n’était que de la self défense, c’était le JJ à l’ancienne.

On s’est beaucoup disputé avec mon père à cause de cela. Mais il me disait aussi qu’il travaillait à faire évoluer la perception de Flavio. C’est ce qui s’est passé. Flavio a redirigé peu à peu le contenu pour répondre à ce que nous avions besoin, le JJB tel que l’on le pratique. Il représentait une caution brésilienne de haut niveau puisqu’il compte parmi les 1ers élèves d’Helio Gracie ».

A l’aube du XXIe siècle, le JJB français est lancé, même si aucun Jiu Jitsuka tricolore n’est encore ceinture noire. Il faudra attendre 2001 pour voir les 1ers Européens à recevoir le précieux sésame, Christian Derval, Patrick Bittan et Alain Nagera. Thierry Rijvas et Jovan Zerjal les rejoindront en 2002, Aziz Cherigui et David Giorsetti en 2004. Mais ceci est une autre histoire.

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