Pourquoi la Corée est-elle si forte. La NBA du Taekwondo

Publié le : 30/06/2016 15:27:28
Catégories : Actualités , taekwondo

Pourquoi la Corée est-elle si forte. La NBA du Taekwondo

10 médailles d’or sur 32 possibles lors des quatre précédents J.O. La Corée mène largement le bal des nations. Mais être le pays fondateur du Taekwondo ne suffit pas à expliquer cette réussite.

Compétitions en lycée, système de scouts, championnats universitaires, militaires, pros… C’est un système bien rôdé qui permet à la Corée d’entretenir la flamme du succès.

Aux J.O. 2016, elle sera à nouveau la nation la mieux représentée avec 5 qualifiés, 4 champions du monde et un médaillé d’or olympique ! Eclairage sur cette usine à champions.

« Nous avons 240 étudiants en Taekwondo, 60 par promotion. Pour intégrer notre Université, il faut avoir remporté au moins une médaille dans le championnat lycéen et… posséder de bonnes notes », sourit Lee Sun-Jang. Le champion du monde 1985 est aujourd’hui professeur de l’Université Keimyung, à Daegu. Comme une quarantaine de facs dans le pays, celle-ci possède son département Taekwondo, créé dans les années 80.

La plupart des étudiants qui s’inscrivent à Keimyung veulent passer un Master pour enseigner le Taekwondo. Mais certains d’entre eux sont spécifiquement recrutés pour défendre les couleurs de la fac dans un championnat national ardu et très concurrentiel. Les Universités n’hésitent d’ailleurs pas à proposer des conditions avantageuses à ceux qui se sont illustrés lors des joutes lycéennes. A 18 ans, le môme coréen doué en Taekwondo est déjà repéré depuis longtemps.

 

Au Dojang dès le primaire

 

Les fondations de cette pyramide, ce sont les Dojang de quartier dans lesquels les enfants du primaire font leurs armes. Dès la 6e, en secondaire, les meilleurs intègrent le Dojang de l’école et participent à des compétitions.

Puis, à l’adolescence, un nouvel écrémage s’effectue à l’entrée du lycée. Les choses commencent fortement à se préciser. Le niveau est déjà élevé. A ce stade, les Dojang accueillent seulement les candidats aux départements universitaires de Taekwondo et peuvent être apparentés à des classes préparatoires.

« En Corée, la détection et la construction de l’athlète se font à un très jeune âge », nous éclaire le Français Philippe Pinerd, un ancien de la maison Keimyung, ex entraîneur de l’équipe de France, aujourd’hui en charge du Kazakhstan. « Dès l’âge de 13 ans, le môme peut potentiellement intégrer une équipe de niveau quasi pro. C’est une autre planète ! Les Coréens effectuent leur présélection par rapport au profil adapté au sport. En Taekwondo, il nous faut de la vitesse et de l’allonge. Ils vont aller chercher des mecs fins, longilignes, rapides. Puis ils vont tester leurs qualités naturelles, à la fois physiques et mentales : coordination, explosivité, réactivité, goût de l’effort… A 18 ans, ce sont déjà de super combattants ! »

 

Des scouts universitaires comme aux US

 

A l’instar du basket aux Etats-Unis, les Universités ont mis en place un système de scouts chargés de repérer les talents dans les rencontres de la ligue nationale lycéenne. « La concurrence est rude », reconnaît Lee Sun-Jang. « Pour attirer les meilleurs, nous leur proposons la gratuité de leurs études. Ils sont aussi logés, nourris, entraînés, équipés. Il faut savoir qu’un trimestre à l’université coûte plus de 3 millions de Wons (environ 2100 Euros) ».

Depuis quelques années, les facs de Province comme Dong-A parviennent à faire la nique à celles de Séoul, telles Kyong-He ou Yong-Hin. Un phénomène assez récent. Pourtant, les places sont chères… La ligue universitaire coréenne compte 105 équipes, réparties sur trois niveaux de compétition. Le plus bas est réservé aux étudiants qui n’appartiennent pas aux sections combat ; l’intermédiaire à ceux qui n’ont pas remporté de médailles la saison précédente et, le plus élevé, la Ligue 1, regroupe uniquement les médaillés des années précédentes.

« Pour pouvoir participer au Championnat de Corée, le combattant doit avoir remporté au moins une médaille en Ligue 1, qui compte plus de dix tournois par saison (un toutes les trois semaines). C’est compliqué car les candidats sont nombreux », assure Lee Sun-Jang.

Lors du grand raout national, les étudiants vont trouver sur leurs chemins les représentants des deux autres piliers du Taekwondo coréen : les militaires et les professionnels. A l’instar des universités, l’armée est aussi organisée en « Teams » qui disputent aussi une ligue nationale. Ce sont évidemment les meilleurs d’entre eux qui sont alignés au Championnat de Corée.

 

70 000 Euros de prime à la signature !

 

Mais les véritables épouvantails, ce sont les pros. La crème des crèmes. Un autre monde… Ils sont parfois recrutés dès leurs sorties du lycée, mais la plupart passe par l’Université. Sur le même principe que les facs, les 22 Teams Pro draguent les tout meilleurs grâce à leurs scouts. La concurrence est tellement âpre que les Samsung, Hanjin, Hyundai, Korea Gas, Chuncheon… sont parfois prêts à mettre sur la table jusqu’à 70 000 Euros de prime d’engagement à la signature !

Les combattants gagnent entre 2000 et 2500 Euros par mois, ce qui correspond au salaire d’un diplômé supérieur. Ils signent généralement des contrats d’un an renouvelable, synonyme d’une pression de résultats constante. Les carrières sont d’ailleurs rarement longues (4-5 ans). Mais, en année olympique, leur objectif est aussi teinté d’amateurisme. Eux aussi rêvent à la médaille d’or aux J.O.

En 2008, à Pékin, trois des quatre champions olympiques coréens provenaient des Team pro. Cette année, pour les JO de Rio, l’armada coréenne est à nouveau composée en majorité de professionnels. Des 5 qualifiés, seul le champion du monde 2013, Kim Tae-Hun, est encore à l’Université. Les 4 autres sont professionnels (trois du Team « Korean Gas » et un de Chuncheon).

 

4 sur 4 aux JO 2008 !

 

Pour le ticket olympique, le staff de l’équipe nationale a mis en place un système de ranking. En tout, il existe 10 ligues en Corée, soient 10 circuits de compétition avec, pour chacun d’entre eux, un tournoi par mois au minimum. Les regroupements de l’équipe nationale s’effectuent généralement une à deux semaines avant l’échéance sauf pour les J.O. où un collectif olympique est composé largement en amont.

En quatre Jeux Olympiques officiels (2000, 2004, 2008 et 2012), la Corée a remporté 14 médailles, dont 10 en or. Aux J.O. de Pékin, elle a même réussi l’exploit de ramener quatre titres sur les quatre possible (à l’époque, un pays pouvait qualifier 4 athlètes maximum, 2 femmes et 2 hommes).

Les Jeux de Londres ont été moins prolifiques pour les combattants du pays du matin calme. « Seulement » une médaille d’or et une d’argent (Lee Dae-Hoon, qualifié pour Rio). Un bilan jugé mitigé qui, de plus, faisait suite à des championnats du monde 2011 vécus comme une humiliation suprême par les Coréens. En effet, devant leur public, à Gyeongju, pour la première fois de l’histoire, ils ont terminé 2e au classement masculin (derrière l’Iran).

Depuis, la Corée s’est remise en ordre de marche. Il aura cependant fallu une petite révolution. Leur regard et leur approche du haut niveau ont quelque peu évolué, devenant un peu moins traditionnaliste et, par conséquent, plus moderne, voire plus occidental.

 

5 athlètes, 7 titres mondiaux, 1 titre olympique

 

Dès les Mondiaux 2013, les Coréens ont lavé l’affront et sont redevenus la 1ère nation mondiale (10 médailles dont 6 en or). En 2015, ils ont à nouveau récolté 4 titres planétaires.

A travers le jeu du ranking mis en place par la WTF, ils sont parvenus à qualifier cinq de leurs représentants aux Jeux Olympiques 2016. A Rio, la Corée présentera ainsi la délégation la plus nombreuse et certainement la plus talentueuse.

En -58 kg, Kim Tae-Hun (22 ans le 15 août) est déjà double champion du monde en titre. En -68 kg, Lee Dae-Hoon (24 ans), a été médaillé d’argent aux JO 2012 (-58 kg) et sacré champion du monde en 2011 et 2013 (-63 kg). En +80 kg, Cha Dong-Min, 30 ans, a été sacré champion olympique en 2008. Chez les dames, en -49 kg, Kim So-Hui (22 ans) est double championne du monde 2011 et 2013. En +67 kg, Oh Hye-Ri (28 ans) a remporté le titre mondial l’an passé. L’artillerie lourde est de sortie ! De toute façon, avec un vivier de 4 millions de pratiquants, la Corée a, semble-t-il, encore de beaux matins calmes à vivre.

 

Par Ludovic Mauchien

 

 

La Corée loin devant

 

Classement des nations, au nombre de médailles, établis sur les 4 derniers J.O. (2000, 2004, 2008, 2012).

1. 12 médailles : Corée (10 or, 2 argent, 2 bronze)

2. 8 médailles : Chine (5, 1, 2), Etats-Unis (2, 2, 4) et Taïwan (2, 1, 5)

5. 6 médailles : Mexique (2, 1, 3), Turquie (1, 3, 2) et France (0, 2, 4)

8. 5 médailles : Iran (2, 1, 2) et Cuba (1, 2, 2)

 

 

 

Partager ce contenu

PayPal